Nouveaux proverbes de l'Enfer

2023-03-23

Enough, or too much!
Proverbs of Hell, William Blake

Les cauchemars sont les fruits de l'Ordre. Les rêves, les graines de Discorde.
Obéir c'est parler, un peu. Pleurer, parfois. Créer – jamais.
Un couteau que l'on aiguise se montre plus miséricordieux.
Prendre vie, et ouvrir les yeux à la cruauté de la lumière.
Le sel conserve les plus belles cicatrices.
L'amour est de la pitié transportée d'héroïsme.
Qui se révolte sent le poids du monde sur ses épaules.
Arrive en retard aussi souvent que possible, la Mort se lassera d'attendre.
La rancune est la dernière feuille accrochée aux branches d'un arbre qui se décompose.
Respecte l'uniforme comme tu respectes la bêtise : un pas en arrière, au cas où.
L'acidité du mensonge. L'amertume de la vérité.
Un mot d'esprit vaut plus que toutes les phrases de l'univers.
L'Indignation danse. L'Oubli chantonne. La Naïveté ricane.
Le vent transporte les râles des poètes pour qu'on les inspire.
Le coeur a soif de sang, il déglutit en cadence.
Dans la chambre, les coups pleuvent. Dans la rue, les corps pleurent.
L'effroi est l'aile plombée de la colère.
Le Temps psalmodie pour que nos folies grandissent.
Dans l'inquiétude et dans l'attente, nos tripes s'égosillent.
Réveille-toi. Non, rendors-toi !

L'espoir est une nasse, la résignation une impasse.
La raison de l'homme est la gloire du Pouvoir.
La mesure armée est le bras du Pouvoir.
Le sommeil du juste est le don du Pouvoir.
La vie est la charge du Pouvoir.
Les rides de la joie s'effacent avec le temps.
L'eau stagnante noie, les vagues portent.
Dans le sable versé sur tes yeux, sens le tranchant des coquillages.
Les insoumises s'exécutent dans la désobéissance.
La Colère est ta plus fidèle compagne, toujours à tes côtés et qui jamais ne parle.
Si tu ne veux pas de témoin, ferme la porte.
La violence ne cherche pas à détruire mais à créer de nouveaux paradigmes.
La tique court avec le loup, saute avec le cheval, vole avec le merle.
Nature humaine : cul-de-sac.
Éteins la lumière et regarde dans le miroir : tu y verras ton avenir.
Quand tu tires, ferme-les yeux pour mieux sentir que Dieu est avec toi.
L'Ordre se mesure au nombre de cartouches tombées sur le trottoir.
L'échec est le pincement de la rebellion.
Agir plutôt que réfléchir. Crier plutôt que réparer.
Résoud-toi le soir. Rêve la nuit. Oublie le matin ce que tu avais remis à demain.

Prend grand soin de tes cauchemars, ils ont besoin de tendresse.
Cultive le lâcher prise. Cueille les fleurs du déni.
Qui perd sa colère trouve toujours de bonnes raisons.
La vérité est pestilence. Que celui ou celle qui a tort ne se taise jamais.
Sein contre sein, les archanges chantent dans les cieux.
L'hypocrisie est la plus grande des libertés. La peur, la plus grande des tentations.
Lève la tête : les machines clignotent et te surveillent.
L'illumination est à portée d'interrupteur.
Le travail est ferveur. La publicité est prière.
L'impatience riposte face aux déceptions.
Mépriser grandit l'âme. Critiquer aiguise l'esprit. Le compliment ment.
À la naissance, l'enfant pleure, jamais ne rit : elle sait déjà ce qui l'attend.
Frappe plus fort jusqu'à ce que l'on ne puisse plus l'entendre.
Sous les pavés, la grève.
Quels que soient les reproches : ignore-les comme le soleil ignore la neige, bientôt ils auront fondu.
La fuite est le courage des déséspérées.
L'invisible voyage aussi vite que la vitesse de la lumière.
Ce que les statues couvrent du regard sans rien dire, la honte le graphe en lettres noires à leurs pieds.
Il faut être brisée pour savoir comment vivre.
Allons enfants, pour la gloire de la Nation.
Les corbeaux ne peuvent être traqués dans l'ombre.
La Justice perd l'équilibre.
L'assiette vide parle au ventre vide.
L'arbre qui a chu nourrit les vers. Après la tempête, c'est le festin.
La barque du passeur coule aux portes du Paradis.
Perds-toi dans l'infini des étoiles, tu échapperas au trou noir de ton coeur.
Une imagination fertile engendre de grandes religions.
Chaque blessure recousue dessine un nouveau pentacle.
Regarde, derrière toi : l'horizon qui s'étend.

Wohosheni

Image Credit: The Marriage of Heaven and Hell, copy I, 1827 (Fitzwilliam Museum): electronic edition.